Déclarations au sujet de l’organisation des élections au Bénin : L’aveu d’échec de Boni Yayi
24 septembre 2014
Depuis le département du Borgou le week-end écoulé, le Chef de l’Etat a parlé aux Béninois et à la classe politique, notamment l’opposition. En évoquant le problème de cherté de l’organisation des élections au Bénin, Boni Yayi a profité pour régler des comptes. Inconsciemment, le Président de la République a aussi tiré leçons des politiques qu’il met en place depuis 2006 et qui ne marchent pas. Ces choix lui coûtent aujourd’hui très cher. Cela dénote ni plus ni moins son incapacité à désormais trouver les bonnes solutions pour les maux qui minent le Bénin.
La réalité rattrape petit à petit le Chef de l’Etat. Ses choix à la tête du pays provoquent déjà de fâcheuses conséquences pour le Bénin. Ses déclarations du week-end dernier dans le Borgou constituent un aveu d’échec de la gestion du pays depuis huit (08) ans.
/ Primo :Comme le Président de la République devrait le savoir, aucun État sérieux ne peut être surpris de l’organisation de ses élections. Ce sont des échéances qui sont connues de longues dates et le pouvoir en place est tenu, voire l’obliger de les organiser à bonne date. En réalité, aujourd’hui, Boni Yayi, à travers ses déclarations, a avoué son incapacité d’organiser les élections à temps. L’organisation régulière des élections étant l’un des principes fondamentaux d’une démocratie, Yayi aura échoué sur ce plan si les futures consultations électorales ne se tiennent pas. La raison de la conjoncture économique n’en est pas une. Cette conjoncture était déjà là avant les élections de 2011. Mais elles ont eu lieu. Yayi a réalisé son K.O et a obtenu la majorité à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui qu’il est en train de terminer son second quinquennat, il semble se moquer du reste. Cela ne l’intéresse plus. On est alors tenté de dire que plutôt qu’une conjoncture économique, c’est l’expression d’une mauvaise volonté. Il ne veut pas organiser les élections. Ce qui donne raison à Me Adrien Houngbédji qui stipule que Yayi veut créer le vide juridique en ne renouvelant pas le parlement en 2015 et gouverner le pays par ordonnance. Porte ouverte pour la révision de la Constitution. Echec donc ou mauvaise foi.
Secundo :Face à ce qu’il appelle la cherté de l’organisation des élections, Yayi trouve que la situation est dramatique. Elle est dramatique dans la mesure où la Lépi dont on a vanté tant la qualité en 2011 ne peut plus servir pour les futures élections. En réalité, cette Lépi n’était jamais prête pour les élections qui ont conduit au K.O. Mais puisque l’objectif était de passer en force en 2011, toutes les voix qui dénonçaient la mauvaise qualité de la liste électorale n’avaient aucune audience. Le régime du Changement a foncé la tête baissée pour organiser les présidentielles et les législatives. Elles lui ont réussi. Aujourd’hui, cette Lépi est reconnue mauvaise et sa correction nécessaire. Mas malheureusement, pour le toilettage de la Lépi, Yayi évoque des problèmes de conjoncture économique pour ne pas solder le budget du Cos/Lépi et donner les moyens à la Céna. L’histoire retiendra qu’en son temps, Yayi n’a pas organisé à temps les élections alors que ses prédécesseurs Nicéphore Dieudonné Soglo et le Général Mathieu Kérékou l’ont fait. Si cela n’est pas un échec devant l’histoire !
Tertio : L’aveu d’échec qui transparaît dans les récentes déclarations du Chef de l’Etat est aussi sur le plan économique. «(…) La situation est dramatique. Aujourd’hui, il nous faut encore 22 milliards. Dans une situation où la trésorerie de la puissance publique ne se porte pas bien (…) Mais, il faut comprendre aussi l’Exécutif, qui dit aujourd’hui que les temps sont difficiles…». Le Chef de l’Etat devrait s’en prendre à lui-même si la situation est ainsi. Si pendant huit ans de gestion du pays, il en est arrivé là, qui accuser alors ? La situation du pays était pire en 1990. Mais le Président Nicéphore Dieudonné Soglo a remarquablement redressé la barre en un temps record jusqu’à atteindre une croissance à deux chiffres. Aujourd’hui, Yayi en est loin. Au contraire, les Béninois sentent au fil des années la misère les gagner. Le panier de la ménagère souffre. Pas de route. Pas d’hôpitaux. Pas suffisamment d’école. Pas d’enseignant en quantité pour transmettre le savoir aux enfants. En plus, les populations manquent de l’énergie électrique. Le délestage est en train de détruire toutes les initiatives économiques prises. Le pays est à terre. Ça, c’est à l’actif de la gouvernance de Yayi. Le reconnaître dans ses déclarations est déjà sincère. Le pays va mal. Yayi a-t-il comblé les attentes placées en lui en 2006 ? Evidemment non.
Quartio : Yayi a parlé de délocalisation des affaires vers le grand voisin de l’Est. Ce qui impact négativement sur l’économie nationale. Il ne peut être autrement> Puisque Yayi a contribué à faire fuir les opérateurs économiques, aussi bien béninois qu’étrangers, du Bénin. Samuel Dossou, Sébastien Ajavon, Patrick Talon, Martin Rodriguez etc. ne cessent de se plaindre du traitement que le pouvoir en place leur accorde. Des opérateurs économiques persécutés qui ont décidé de faire d’autres expériences. Certains ont trouvé leur salut dans d’autres pays. «Tout ce qui se faisait dans notre pays a été délocalisé. Aujourd’hui, celui qui veut faire son commerce de riz peut aller s’installer au Nigeria pour faire son commerce…». Evidemment qu’il ne peut en être autrement. Yayi aura personnellement contribué à cela.
La Cour pour sauver la démocratie béninoise : Il est désormais clair que Boni Yayi ne veut pas organiser les élections qui viennent, à écouter ses déclarations du week-end écoulé dans le Borgou. Il dit qu’il n’y a pas d’argent pour le faire. Les membres du Cos/Lépi et de la Céna ne vont pas se cotiser pour le faire non plus. Et pourtant, la tenue régulière des élections est un principe sacré de la démocratie. L’article 114 de la Constitution du 11 décembre 1990 du Bénin stipule que «La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics». L’organisation régulière et à bonne date des élections est constitutionnelle. Alors, les sept sages doivent prendre leur responsabilité en cas de défaillance de l’Exécutif. La démocratie béninoise est plus que jamais menacée par le régime du Changement. Pour Yayi, ce n’est pas celle souhaitée par le peuple béninois. Alors, il y a bien menace.
Grégoire Amangbégnon
Extrait de la déclaration de Yayi :
«Nous avons encore des difficultés à bouger. Et ces difficultés, je termine, en disant, sans ennuyer personne, parce que cela me préoccupe énormément. D’abord, la question de la qualité des institutions de la République. Quand il n’y aura pas des hommes de qualité, épris pour l’intérêt général. Et ces institutions doivent être complices. La complicité pour servir l’intérêt général. C’est de cela qu’il s’agit et c’est important. La justice doit être au rendez-vous, si nous voulons mettre un terme à l’impunité. C’est la justice qui peut dans un État de droit, mettre fin à l’impunité. Ce n’est pas le Président de la République. C’est vrai, le Président de la République avec son administration peut mettre fin et prendre des sanctions disciplinaires. Nous en avons pris bon nombre déjà. Mettre fin à l’impunité est indispensable. Ce n’est pas négociable. Et nous avons besoin de la justice pour le faire. Et aussi, pour mettre fin à la corruption parce que si l’impunité s’installe, la corruption est généralisée et c’est le cas que nous vivons aujourd’hui. Mais, ce n’est pas l’affaire de Yayi Boni seul. Cela peut être l’affaire de quelqu’un d’autre. Et on traite Yayi Boni de corrompu. Alors que ce que l’on fait chez soi la nuit est plus grave. C’est une question qui interpelle toute la République et toute la Nation. C’est une démission collective. Que la classe politique soit consciente de cela. Moi je suis conscient qu’il faut tout rebâtir parce que cette démocratie n’est pas belle. Ceci est très important. L’autre volet et je termine par cela. Une démocratie doit nous permettre d’organiser les élections à bonne date. Mes chers compatriotes ! Vous me direz, quel est le lien entre l’électricité et la démocratie. Cela se tient. Parce que s’il n’y a pas la stabilité, il ne peut pas avoir de prospérité. Nous sommes encore en difficulté pour organiser nos élections. Les élections coûtent chères dans notre pays. Elles coûtent excessivement chères. Tenez. Depuis 2006, moi je suis venu aux affaires. Nous avons dépensé plus de 100 milliards pour organiser les élections. 100 milliards, mes chers compatriotes. Je demande à la presse de relayer cela. J’aurai l’occasion de me prononcer là-dessus. Chacun est libre de raconter ce qu’il veut. C’est triste. Je suis triste pour mon pays. Triste. Lorsque l’Occident a fait avec le parlement cette histoire de Lépi, ceci nous a permis, vous le savez bien, d’organiser les présidentielles. 45 milliards pour la Lépi. Et on m’a dit après la Lépi, vos élections ne coûteront plus chères. Très bien. Nous assistons à quoi aujourd’hui ? La situation est dramatique. Aujourd’hui, il nous faut encore 22 milliards. Dans une situation où la trésorerie de la puissance publique ne se porte pas bien.Parce que, pour des raisons de conjonctures nationale, régionale et mondiale. Nous avons par exemple notre voisin, puisque j’avais écouté les douaniers qui ont dit que le voisin du Nigéria a presque tout libéralisé. Tout ce qui se faisait dans notre pays a été délocalisé. Aujourd’hui, celui qui veut faire son commerce de riz peut aller s’installer au Nigeria pour faire son commerce. On ne peut pas construire une économie comme cela. Nous sommes aujourd’hui exposés à ces aléas. C’est pourquoi nous devrons prendre tout en compte. Quand je dis 22 milliards, c’est-à-dire, le financement du Cos-Lépi et celui de la Cena. C’est un minimum de 20 milliards. On me dit que Cos-Lépi a déjà encaissé entre 6 et 5 milliards. La Cena demande aujourd’hui 8 milliards et quelques. Ceci demande d’autres ajustements au moment où nous sommes appelés à relever d’autres défis. Les Partenaires sociaux disent qu’il faut un relèvement de la valeur indiciaire avec une incidence financière de pas moins de 32 milliards. Si nous devrons intégrer les désirs exprimés dans nos communes en termes de sécurité humaine etc., Lorsqu’on est responsable, il faut s’asseoir et mener le dialogue. Je salue ce qui a été fait pour nous fournir un support pour qu’une élection paisible et transparente soit garantie. Cela est clair et net. Mais, il faut comprendre aussi l’Exécutif, qui dit aujourd’hui que les temps sont difficiles. Asseyons-nous. Qu’on soit Cena, qu’on soit Cos-lépi, asseyez-vous et discutez avec le ministère des Finances et voir s’il n’y a pas de doublons. Parce qu’aujourd’hui, c’est clair. Qu’est-ce que Cos Lépi fait, qu’est-ce que la Cena fait de manière à libérer le contribuable ? Mais on dit que si vous ne donnez pas les 20 ou 22 milliards, nous irons crier sur tous les toits que Yayi Boni ne veut pas des élections. C’est trop facile. Je gagnerai quoi alors ? Parce que partout où je passe, on dit pourquoi je n’organise pas les élections. Je lance un appel au dialogue aux acteurs. J’accepte qu’on s’asseye. Qu’est ce que nous pouvons faire, vu l’état actuel de notre trésorerie ? (Qu’on nous envoie un audit international pour voir si ce qu’on nous demande là, on peut y faire face sans compromettre nos engagements internationaux, par rapport aux partenaires sociaux, à la société civile, aux handicapés, la décentralisation etc. Les sollicitations sont nombreuses. Il faut que chacun soit conscient que nos élections coûtent chères et qu’il faut qu’on s’asseye pour prendre conscience de la gravité de la situation. Les attaques personnelles ne servent à rien. Il s’agit de l’avenir de notre pays. Il s’agit de relever le défi. Il ne s’agit pas de plonger le pays dans la boue. Voilà en fait ce que je tenais à vous dire. Je suis convaincu que tous ces défis seront relevés et je lance un appel à la nation que ce dialogue sera établi. Il faut éviter de faire les attaques personnelles, des injures vis-à-vis de nos institutions de la République. Je pense qu’on va vider de son contenu cette démocratie que nous appelons de tous nos vœux. Que Dieu bénisse notre patrie. Amen !